Lorsqu’une personne publique est victime, de la part de son cocontractant, de pratiques anticoncurrentielles constitutives d’un dol ayant vicié son consentement, elle peut saisir le juge administratif, alternativement ou cumulativement, d’une part, de conclusions tendant à ce que celui-ci prononce l’annulation du marché litigieux et tire les conséquences financières de sa disparition rétroactive, et, d’autre part, de conclusions tendant à la condamnation du cocontractant, au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle, à réparer les préjudices subis en raison de son comportement fautif.

Conseil d’Etat, 10 juillet 2020, n° 420045

Le département de la Seine-Maritime avait conclu avec la société Lacroix Signalisation trois marchés portant sur la fourniture et l’installation de panneaux de signalisation routière. Par une décision du 22 décembre 2010, l’Autorité de la concurrence a condamné huit entreprises dont la société Lacroix signalisation pour entente sur la réparation et les prix des marchés ayant un tel objet.

Par trois jugements de 2017, le tribunal administratif de Rouen, saisi par le département, a annulé les marchés que ce dernier avait conclu avec la société et a condamné cette société à restituer au département l’intégralité des sommes versées dans le cadre de ces marchés. Par un arrêt du 22 février 2018, la Cour administrative d’appel de Douai a réformé ces trois jugements en ne faisant droit qu’aux conclusions subsidiaires du département tendant à obtenir une indemnité pour réparer le surcoût lié aux pratiques anticoncurrentielles de la société Lacroix signalisation. La société Lacroix Signalisation s’est pourvue devant le Conseil d’Etat contre cette décision.

A cette occasion, le Conseil d’Etat va rappeler que « Lorsqu’une personne publique est victime, de la part de son cocontractant, de pratiques anticoncurrentielles constitutives d’un dol ayant vicié son consentement, elle peut saisir le juge administratif, alternativement ou cumulativement, d’une part, de conclusions tendant à ce que celui-ci prononce l’annulation du marché litigieux et tire les conséquences financières de sa disparition rétroactive, et, d’autre part, de conclusions tendant à la condamnation du cocontractant, au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle, à réparer les préjudices subis en raison de son comportement fautif. »

En cas d’annulation du contrat en raison d’une pratique anticoncurrentielle imputable au cocontractant :

  • Ce dernier doit restituer les sommes que lui a versées la personne publique ;
  • Il peut prétendre en contrepartie, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement des dépenses qu’il a engagées et qui ont été utiles à celle-ci, à l’exclusion, par suite, de toute marge bénéficiaire ;
  • Si la personne publique ne peut obtenir, sur le terrain quasi-délictuel, la réparation du préjudice lié au surcoût qu’ont impliqué les pratiques anticoncurrentielles dont elle a été victime, dès lors que cette annulation entraîne par elle-même l’obligation pour le cocontractant de restituer à la personne publique toutes les dépenses qui ne lui ont pas été utiles, elle peut, en revanche, demander la réparation des autres préjudices que lui aurait causés le comportement du cocontractant.

Dès lors, la Cour, en jugeant, pour rejeter les conclusions principales du département tendant à la restitution des sommes versées, que cette annulation impliquait seulement que soient réparés, sur le terrain quasi-délictuel, les préjudices subis par le département du faits des agissements dolosifs de la société, a entaché son arrêt d’une erreur de droit.