Le législateur revient sur l’interprétation restrictive du Conseil d’Etat quant à l’objet social des entreprises publiques locales et pose désormais le principe selon lequel un actionnaire public peut prendre des parts dans une entreprise publique locale, dès lors qu’il possède des compétences recoupant une partie au moins dudit objet social.

Loi n° 2019-463 du 17 mai 2019 tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales

Avant l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, le code général des collectivités territoriales (CGCT) était muet sur la consistance de l’objet social des entreprises publiques locales détenues entièrement par les collectivités et leurs groupements.

L’article L.1531-1, alinéas 1 et 2, du CGCT  ne prévoyait que la possibilité pour les collectivités et leurs groupements de créer, « dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi » des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital et dédiées à des opérations construction ou d’exploitation de services publics à caractère industriel ou commercial (SPIC) ou de missions d’intérêt général.

Se posait alors la question du lien entre les compétences des actionnaires et l’objet social de la société.

Sur ce point, en vertu du principe de spécialité, il est de jurisprudence constante qu’une collectivité ou un groupement ne peut prendre de parts dans une entreprise publique locale sans que l’objet social de la société ne recoupe de compétences de l’actionnaire (voir par exemple en ce sens le jugement du Tribunal Administratif de Lille, 29 mars 2012, n° 1201729).

Or concernant la nature du lien entre les compétences de l’actionnaire et l’objet social de la société, la jurisprudence a longtemps été divergente : L’objet social de la société devait-il relever intégralement des compétences de chaque actionnaire ? Seulement d’une part prépondérante ? Ou suffisait-il que chaque actionnaire possède au moins une compétence se retrouvant dans l’objet social de la société ?

Pour la jurisprudence, ce débat a pris fin avec l’intervention du Conseil d’Etat dans une décision du 14 novembre 2018 n°405628 / 405690

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat a exigé que les actionnaires d’une entreprise publique locale exercent « l’ensemble des compétences sur lesquelles porte l’objet social de la société ».  Avec cette conception restrictive de l’actionnariat dans les entreprises publiques locales, nombre de ces dernières ont vu leur avenir incertain, leur objet social ne rentrant pas entièrement dans les compétences de chaque actionnaire.

C’est dans ce climat de doutes suite à l’interprétation du Conseil d’Etat que le législateur est intervenu pour pallier les lacunes des dispositions antérieurement en vigueur.

La Loi du 17 mai 2019 tendant à sécuriser l’actionnariat des entreprises publiques locales vient ainsi compléter le CGCT et le code de l’urbanisme. Cette dernière se décompose en 4 articles principaux :

  • Article 1: L’article L.1531-1 du CGCT dispose désormais que les sociétés publiques locales (SPL) détenues dans leur intégralité par des collectivités ou leurs groupements sont compétentes pour la réalisation d’opérations de construction, d’exploitations de SPIC ou de missions d’intérêt général et « lorsque l’objet de ces sociétés inclut plusieurs activités, celles-ci doivent être complémentaires. La réalisation de cet objet concourt à l’exercice d’au moins une compétence de chacun des actionnaires ».

 

  • Article 2: L’article 1522-1 du CGCT relatif aux sociétés d’économie mixte locales (SEML) est lui aussi modifié et dispose que désormais que « 3° La réalisation de l’objet de ces sociétés concourt à l’exercice d’au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires »

 

  • Article 3: L’article L. 327-1 du code de l’urbanisme est lui aussi complété pour soumettre au même régime les sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA). L’objet social de ces SPLA doit désormais concourir à « l’exercice d’au moins une compétence de chacune des collectivités territoriales et de chacun des groupements de collectivités territoriales qui en sont actionnaires ».

 

Ces trois articles permettent donc aux collectivités ou à leurs groupements de créer des entreprises publiques locales (SPL, SEML et SPLA), ou d’acquérir des parts dans ces dernières, dès lors que chaque actionnaire possède au moins une compétence se retrouvant dans l’objet social de la société.

  • Article 4: De plus, cette loi s’applique « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée », aux sociétés «constituées antérieurement à sa date de publication ». Les entreprises publiques locales déjà constituées se voient donc appliquer ces nouvelles dispositions, elles n’ont ainsi donc plus à s’inquiéter du risque juridique qui pesait sur elles.