Le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour connaitre des éventuels manquements commis par une société concessionnaire d’autoroutes aux obligations de publicité et de mise en concurrence dans le cadre de la passation d’un contrat d’exploitation d’aire de services comportant occupation du domaine public autoroutier. 

Conseil d’Etat, 30 avril 2019, n°426698

La société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône a lancé une consultation pour le renouvellement du contrat d’occupation du domaine public autoroutier concédé en vue de l’exercice d’activités de boutique et de restauration d’une aire de service et, à tire accessoire, l’exécution d’un mandat de commercialisation des carburants. La société Total Marketing France ayant été admise à présenter sa candidature mais n’ayant pas présenté d’offre, a sollicité du juge des référés, sur le fondement de l’article L.551-1 du Code de justice administrative, l’annulation de la procédure de passation dudit contrat.

Suite au rejet de sa requête par le Tribunal administratif de Dijon, la société s’est pourvue en cassation contre l’ordonnance. Le débat reposait sur la recevabilité de la société à saisir le juge du référé précontractuel.

Sur la compétence de la juridiction administrative

En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle que le juge administratif est compétent, en vertu des dispositions de l’article L.2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, pour connaitre des litiges relatifs « aux autorisations ou contrats comportant occupation du domaine public, quelle que soit leur forme ou dénomination, accordées ou conclues par les personnes publiques ou leurs concessionnaires« .

Par conséquent, en l’espèce, le juge administratif est bien compétent pour connaitre du litige relatif à la conclusion, par une société concessionnaire d’autoroutes, d’un contrat comportant occupation du domaine public autoroutier.

Sur la compétence du juge du référé précontractuel

Les dispositions des articles L.551-1 et L.551-2 du Code de justice administrative

Conformément aux dispositions des articles L.551-1 et L.551-2 du code de justice administrative, le juge des référés précontractuel peut être saisi en cas de manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services.

Le Conseil d’Etat rappelle ensuite que la notion de pouvoir adjudicateur est définie par l’article 9 de l’ordonnance du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : les personnes publiques, certains organismes de droit privé constitués par des pouvoirs adjudicateurs et « les personnes morales de droit privé qui ont été créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial, dont : a) Soit l’activité est financée majoritairement par un pouvoir adjudicateur ; b) Soit la gestion est soumise à un contrôle par un pouvoir adjudicateur; c) Soit l’organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par un pouvoir adjudicateur ».

Or, en l’espèce, le Conseil d’Etat constate que la société APRR, société concessionnaire d’autoroutes à capitaux majoritairement privés, ne répond à aucun des conditions visées par l’article 9. Elle ne constitue donc ni un pouvoir adjudicateur, ni au surplus une entité adjudicatrice.

Par conséquent, le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour connaitre du contrat litigieux par application des dispositions des articles L.551-1 et L.551-2 du Code de justice administrative.

Les dispositions de l’article L.122-20 du Code de la voirie routière

Par ailleurs, le Conseil d’Etat rappelle qu’en vertu de l’article L.122-20 du code de la voirie routière, la compétence du juge du référé précontractuel a été étendue aux marchés publics de travaux, fournitures ou services passés par des sociétés concessionnaires d’autoroute, dont la passation a été soumise à des règles de procédures.

Cependant, cette compétence ne concerne pas, comme en l’espèce, les contrats d’exploitation des installations annexes passés par les sociétés concessionnaires d’autoroute.

Par conséquent, la société Total Marketing France n’était pas recevable à saisir le juge du référé précontractuel des éventuels manquements commis par la société APRR dans le cadre de la passation du contrat d’exploitation de l’aire de service. Son pourvoi est ainsi rejeté.