Le Conseil d’Etat précise les conséquences sur la reprise du contrat ainsi que les conséquences indemnitaires pour le titulaire d’un contrat résilié, lorsque l’injonction de résilier le contrat qui avait été adressée à l’administration est annulée par le juge d’appel ou de cassation.

Conseil d’Etat, 27 février 2019, n°410537 

En l’espèce, la commune de Sainte-Maxime a lancé, en 2007, un appel à candidatures pour l’attribution de l’exploitation du lot n° 6 de la  » plage du Casino  » et par une délibération du 25 janvier 2008, le conseil municipal a autorisé le maire à attribuer l’exploitation de ce lot à la société Opilo pour une durée de douze ans.

Par un jugement du 17 décembre 2009, à la demande d’un concurrent évincé, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 29 janvier 2008 du maire de Sainte-Maxime rejetant l’offre de cette société évincée et a enjoint à la commune de saisir le juge du contrat afin qu’il en prononce la résolution.

Par un arrêt du 4 mars 2013, la cour administrative d’appel de Marseille a confirmé l’annulation de la décision du 29 janvier 2008, pour un motif tiré de la durée excessive du contrat (différent de celui retenu par le tribunal administratif), et a enjoint à la commune non de saisir le juge du contrat, mais de résilier celui-ci avec effet différé au 1er novembre 2013.

Par une délibération du 22 mai 2013, le conseil municipal de la commune de Sainte-Maxime a donc exécuté l’arrêt du 4 mars 2013 et a, d’une part, décidé la résiliation du contrat de sous-concession du lot n° 6 à compter du 1er novembre 2013 et, d’autre part, constaté l’absence de droit à indemnisation de l’exploitante (la société Opilo).

Cependant, par une décision n° 368254 du 4 juin 2014, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel enjoignant à la Commune de résilier le contrat et par un arrêt devenu définitif du 4 mai 2015, la cour administrative d’appel de Marseille (statuant sur renvoi du Conseil d’Etat) a annulé le jugement du 17 décembre 2009 (enjoignant à la Commune de résilier le contrat) et rejeté les demandes de la société évincée.

Parallèlement, par une requête enregistrée le 4 juillet 2013, la société Opilo a contesté la délibération décidant de la résiliation du contrat dont elle était titulaire devant le tribunal administratif de Toulon puis, par une requête enregistrée devant le même tribunal le 30 avril 2014, a sollicité la condamnation de la commune de Sainte-Maxime à lui verser la somme de 1 567 767 euros en réparation de son préjudice économique. Le tribunal administratif de Toulon, puis la cour administrative d’appel de Marseille, ont rejeté les demandes de la société Opilo, en considérant que la résiliation du contrat par la Commune en exécution de l’injonction décidée par l’arrêt du 4 mars 2013 faisait obstacle à tout droit à indemnisation de la société Opilo.

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative qui rejette le droit à indemnité de la société titulaire du contrat résilié et juge, en premier lieu, que lorsqu’une décision juridictionnelle a enjoint à une personne publique de résilier un contrat, ou lorsque, dans le cadre d’un recours en contestation de la validité d’un contrat, le juge prononce une telle résiliation, cette circonstance n’implique pas, par elle-même, une absence de droit à indemnisation au bénéfice du cocontractant. Ce droit à indemnisation s’apprécie alors, conformément aux principes du droit des contrats administratifs, au regard des motifs de la décision juridictionnelle et, le cas échéant, des stipulations du contrat applicables.

Le Conseil d’Etat ajoute, en second lieu, que lorsque l’exercice des voies de recours conduit le juge d’appel ou de cassation à annuler la décision juridictionnelle qui a enjoint à la personne publique de résilier le contrat ou a prononcé sa résiliation, le préjudice éventuellement né de l’exécution de la décision juridictionnelle annulée n’est pas indemnisable.

Il appartient en revanche à la personne publique de tirer les conséquences de cette annulation et de décider, sous le contrôle du juge administratif et dès lors qu’une telle mesure n’est pas sans objet, de reprendre les relations contractuelles, sauf si une telle reprise est de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d’un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation.

Si la personne publique décide de ne pas reprendre les relations contractuelles, le droit à indemnisation du cocontractant s’apprécie au regard des motifs de cette dernière décision et prend en compte les sommes qui, le cas échéant, lui ont déjà été versées après la résiliation initiale du contrat. Si la personne publique décide de reprendre les relations contractuelles, alors qu’elle a déjà indemnisé les conséquences de la résiliation initiale, il lui appartient d’exiger de son cocontractant qu’il lui restitue les sommes versées correspondant à la durée restant à courir de l’exécution du contrat.