Le Conseil d’Etat a jugé qu’une clause Molière peut être introduite dans le règlement de consultation d’un marché dès lors que cette clause de recours exclusif à la langue française ne vise que la gestion des relations entre les parties au contrat sans imposer l’usage de la langue française aux travailleurs susceptibles d’intervenir dans l’exécution des prestations objet du marché.

Conseil d’Etat, 8 février 2019, Société Véolia Eau – Compagnie générale des eaux, n°420296

Le Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (SIAAP) a créé une société d’économie mixte à opération unique pour l’exploitation d’une usine d’épuration. Afin de sélectionner l’actionnaire opérateur économique de cette société, il a ensuite lancé une procédure d’appel d’offres. Les documents de la consultation prévoyaient notamment que «  la langue de travail pour les opérations préalables à l’attribution du marché et pour son exécution est le français exclusivement « .

Contrairement au juge des référés du Tribunal administratif de Paris, la Cour Administrative d’Appel de Paris a fait droit à la demande de suspension du marché de prestations de services, à la demande du Préfet et d’un concurrent évincé. Le juge d’appel avait estimé que « le moyen tiré de la contrariété de l’article 8.5 du règlement de consultation intitulé ‟Langue et rédaction des propositions et d’exécution des prestations ″, selon lequel la langue du travail pour les opérations préalables à l’attribution du marché et pour son exécution est le français exclusivement, avec les libertés fondamentales garanties par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne était de nature, en l’état de l’instruction à créer un doute sérieux sur la validité du contrat ».

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour administrative d’appel au motif que celle-ci a dénaturé les pièces du dossier. En effet, puisque ces dispositions « régissent seulement les relations entre les parties au contrat », étant donné qu’elles ne figurent que dans le règlement de la consultation et n’ont pas valeur de pièce contractuelle, alors elles « n’imposent pas le principe de l’usage de la langue française par les personnels » de l’attributaire.

De plus, comme il était prévu au contrat la possibilité pour le titulaire du marché d’avoir recours aux services d’un sous-traitant étranger et à des salariés de nationalité étrangère, le Conseil d’Etat n’a pas estimé que le contrat imposait directement ou indirectement, « l’usage ou la maîtrise de la langue française par les travailleurs étrangers susceptibles d’intervenir ».