Par deux arrêts du 1er décembre 2023, le Conseil d’Etat à préciser les motifs justifiant l’intérêt à agir des collectivités territoriales pour contester une autorisation environnementale.

CE, 1er décembre 2023, n° 467009 et CE, 1er décembre 2023, n° 470723

Dans la première affaire, le préfet de la Charente-Maritime a autorisé, par un arrêté du 22 octobre 2020, la société Ferme éolienne de Chambon-Puyravault à installer et exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Chambon et Puyravault. Par un arrêt n° 21BX00517 du 5 juillet 2022, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la demande formée par le département de la Charente Maritime.

Dans la seconde affaire, le préfet de l’Allier a accordé, par un arrêté du 24 juin 2021, à la société Parc éolien du Moulin du bocage une autorisation environnementale pour l’exploitation de cinq aérogénérateurs avec deux postes de livraison sur la commune de Gipcy. Par un arrêt n° 21LY03407 du 24 novembre 2022, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la requête formée par la région Auvergne-Rhône-Alpes et les communes de Saint Hilaire et de Meillers.

Dans ces deux affaires, aux visas des articles R. 181-50 et L. 181-3 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat a jugé que :

« une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue ».

Les intérêts visés par l’article L. 181-3 du code de l’environnement portent sur « les dangers et inconvénients » soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, soit pour l’utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l’utilisation rationnelle de l’énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.

Dans ces deux arrêts le Conseil d’Etat confirme l’appréciation des cours administratives d’appel en ce qu’elles ont considéré qu’une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue.

Dans la première affaire, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré « qu’à supposer que le projet soit susceptible de porter atteinte à la commodité ou au cadre de vie des habitants de la Charente-Maritime, cette circonstance ne saurait permettre au département de justifier d’une incidence sur sa propre situation ou sur les intérêts dont il a la charge. Elle a relevé, enfin, que la compétence dont se prévaut le département en matière de promotion des solidarités et de la cohésion n’est pas au nombre des intérêts protégés par l’article L. 181-3 du code de l’environnement. ».

Le Conseil d’Etat a confirmé cette appréciation selon laquelle le département ne justifiait d’aucune compétence propre en matière de protection de l’environnement, des paysages ou du patrimoine, d’aménagement du territoire ou de lutte contre l’effet de serre par la maîtrise et l’utilisation rationnelle de l’énergie.

Dans la seconde affaire, la Cour administrative d’appel de Lyon a d’abord jugé que « que la région n’est investie d’aucune responsabilité en matière de protection des paysages et de la biodiversité contre les atteintes que l’installation d’éoliennes pourrait provoquer sur son territoire et que la circonstance qu’elle ait adopté un schéma régional par lequel elle définit des objectifs relatifs aux projets éoliens est insusceptible de lui conférer un intérêt direct pour contester l’autorisation en cause » mais qu’en revanche Le Conseil d’Etat a considéré que la Cour avait fait une exacte application des règles gouvernant la recevabilité des recours de plein contentieux en considérant que la région ne bénéficiait d’aucune compétence en matière de protection des paysages et de la biodiversité contre les atteintes qu’une installation d’éoliennes pourrait induire à l’échelle de son territoire.

En revanche, il a annulé l’appréciation portée par la Cour s’agissant de l’intérêt à agir des communes. En effet, pour écarter l’intérêt à agir des communes, la Cour avait considéré que « les communes de Meillers et de Saint-Hilaire faisaient valoir que le projet litigieux affecterait directement la qualité de leur environnement et aurait un impact sur leur activité touristique, en raison notamment de nuisances paysagères et patrimoniales résultant de la proximité ou covisibilité du site d’implantation du projet avec plusieurs monuments historiques et sites inscrits et de la présence de zones naturelles à préserver, dont une zone Natura 2000, susceptibles d’être affectées par le fonctionnement du parc éolien et situées à proximité immédiate de ce dernier. En jugeant que l’ensemble de ces circonstances ne suffisait pas à établir que la situation propre des communes de Meillers et de Saint-Hilaire ou les intérêts dont elles ont la charge seraient spécialement affectés par le projet devant être implanté sur le territoire de la commune voisine de Gipcy, la cour administrative d’appel de Lyon a, en l’espèce, entaché son arrêt d’une erreur de qualification juridique des faits. ». Ainsi, pour les communes, de par leur situation, leur proximité immédiate, ou les intérêts dont elles ont la charge peuvent être spécialement affectés. En l’espèce, les communes de Meillers et de Saint-Hilaire justifiaient d’un intérêt suffisant puisque le projet affectait directement la qualité de leur environnement et impactait leur activité touristique.

Evelise PLENET
Avocat