Par un arrêt du 31 mars 2023 n°20PA02463, la CAA de Paris rappelle un principe, bien établi, selon lequel la sous-traitance totale d’un marché public est interdite par la réglementation.

Ce principe se déduit d’une lecture a contrario de l’article L. 2193-2 du Code de la commande publique qui dispose : « la sous-traitance est l’opération par laquelle un opérateur économique confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l’exécution d’une partie des prestations du marché conclu avec l’acheteur ».

Rien de nouveau sous le soleil donc.

Selon nous, l’intérêt de l’arrêt rendu par la CAA de Paris est à chercher ailleurs.

D’abord dans le travail d’analyse approfondi que réalise la CAA de Paris qui se livre à une exégèse des travaux préparatoires à la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF) ayant modifié les dispositions de l’article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

La CAA de Paris souligne qu’« il résulte des travaux préparatoires à la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier que les dispositions précitées de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975, dans leur rédaction issue de cette loi poursuivent, notamment, un objectif de transparence, afin de garantir que le titulaire retenu au terme d’une procédure de publicité et de mise en concurrence ne puisse confier totalement l’exécution du marché à une autre société qui n’aurait pas été choisie par le pouvoir adjudicateur ».

Ensuite, la CAA de Paris apporte de précieux éléments de réponse à une question dont nous sommes souvent saisis : A partir de quand faut-il considérer qu’il y a sous-traitance intégrale du lot ou du marché ?

En l’espèce, il résulte de la décision précitée que la société X. « avait prévu la présence, sur le chantier, d’une importante équipe d’encadrement, composée, notamment, d’un directeur d’exploitation, d’un conducteur de travaux principal, d’un conducteur de travaux et d’un responsable chantier faible nuisance, chargée de la direction des travaux et de leur qualité. L’offre de la société X. impliquait ainsi la participation de la société titulaire à l’exécution des travaux faisant l’objet du marché, sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’elle ait recours à une main d’œuvre sous-traitée pour l’ensemble du macro-lot ».

Dans ces conditions, la CAA de Paris juge que l’offre de la société X ne méconnaissait pas les dispositions précitées de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 et de l’article 133 du décret du 25 mars 2016 aujourd’hui codifiées à l’article L.2193-2 du Code de la commande publique.

Fort de ce constat, l’on peut formuler les deux recommandations suivantes :

  • Si l’on est opérateur économique, candidat à l’attribution d’un marché public de travaux, on veillera à détailler amplement dans son mémoire technique les tâches, notamment d’encadrement, qui demeureront effectuées par le titulaire de sorte à bien démontrer la participation effective de son entreprise à la « vie du chantier » à intervenir malgré la sous-traitance.

 

  • Si l’on est pouvoir adjudicateur, on veillera à contrôler l’étendue exacte des prestations dévolues au futur titulaire et à ses sous-traitants, au besoin, en interrogeant le candidat, pour lui demander des précisions sur la teneur de son offre comme l’autorise l’article R. 2161-11 du Code de la commande publique.

Pour l’opérateur économique, comme pour le pouvoir adjudicateur, l’enjeu est d’importance puisqu’en cas de sous-traitance intégrale présumée, un candidat évincé pourra utilement développer au contentieux un moyen (un argument) tiré de l’irrégularité de l’offre du candidat retenu pour méconnaissance de l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

A supposer que le moyen (l’argument) du requérant soit suffisamment étayé, seul les éventuels formulaires DC4 et le mémoire technique du candidat retenu permettront, le cas échéant, de contredire cet argument devant le Juge du référé précontractuel ou devant le Juge du contrat.