Le Conseil d’Etat est venu mettre un terme, au plan électoral, à l’affaire dite des procurations douteuses qui avait été révélée lors des élections municipales à Marseille. Alors que le Printemps marseillais, qui a gagné la mairie centrale après 25 ans de mandature conduite par Jean-Claude Gaudin, demandait l’annulation du scrutin en vue de la désignation des conseillers municipaux, d’arrondissements et communautaires dans le 6ème secteur de Marseille, le Conseil d’Etat n’a pas fait droit à cette demande mais a déclaré inéligibles trois élus de la liste « Une volonté pour Marseille avec Martine Vassal », dont le Maire sortant de secteur, devenu, depuis lors, député.

 

Des procurations irrégulières….

Par un arrêt en date du 11 janvier 2022, la Haute Juridiction, s’appuyant notamment sur un rapport d’enquête de la police judiciaire relative aux conditions d’établissement des procurations lors des élections municipales de 2020 dans les 4ème et 6ème secteurs de Marseille, a constaté l’existence de manœuvres frauduleuses au profit de la liste conduite par le Maire sortant dans le 6ème secteur.

 

Les faits constatés ont établi qu’une candidate en 24ème position de la liste conduite par le Maire sortant du 6ème secteur, M. Julien Ravier, avait rempli des formulaires de procuration au nom de 56 résidents d’un établissement pour personnes âgées situé dans le 12ème arrondissement, sans le consentement des intéressés. La même candidate a, par ailleurs, rempli d’autres formulaires de procuration, avec l’accord des mandants, mais hors leur présence, sur la base d’une photocopie de leur pièce d’identité.

 

En outre, il s’avère que la candidate en 16ème position de la même liste a, pour sa part, se prévalant d’un partenariat avec le commissariat de secteur, établi des « procurations simplifiées » évitant aux intéressés de se présenter devant un officier de police judicaire, en transmettant seulement une copie de leur pièce d’identité.

 

Compte tenu de ces éléments, le Conseil d’Etat relève donc qu’au second tour de scrutin, c’est un maximum de 116 votes par procuration qui ont pu être comptabilisés alors que la procuration était irrégulière (et qu’au premier tour, c’est au maximum 158 voix qui ont pu être exprimées au moyen de procuration irrégulièrement établies).

 

 

…qui n’altèrent pour autant pas la sincérité du scrutin…

Le Conseil d’Etat relève néanmoins que ces manœuvres frauduleuses, n’ont pu, compte tenu du nombre de votes exprimés au moyen de procurations irrégulièrement établies et de l’écart des voix séparant les différentes listes, tant au premier qu’au second tour de scrutin, avoir d’incidence sur les résultats des élections, tant s’agissant de l’ordre des listes, que de la répartition des sièges.

 

Autrement dit, les faits en question restent sans incidence, selon la formule consacrée du Conseil d’Etat, compte tenu des circonstances de l’espèce, et particulièrement de l’écart des voix, sur les résultats du scrutin. Rappelons à cet égard qu’au second tour de scrutin, la liste conduite par M. Julien Ravier, Maire sortant de secteur, avait devancé de 352 voix celle du Printemps marseillais.

 

 

….mais qui justifient des déclarations d’inéligibilité

Le Conseil d’Etat estime toutefois que le tête de liste, qui avait connaissance des manœuvres constatées et qu’il les a, selon lui, encouragées, comme les deux candidates de la liste dont il s’agit, ont accompli des manœuvres présentant un caractère frauduleux ayant pour objet de porter atteinte à la sincérité du scrutin.

 

Dans ces conditions, il a donc décidé de les déclarer tous trois inéligibles pour une durée d’un an et d’annuler leur élection en qualité, pour le tête de liste, de conseiller municipal et de conseiller métropolitain, et pour les deux autres élues, en qualité de conseiller d’arrondissement.

 

Cette décision ne sera pas sans effet politique puisqu’elle aura pour effet d’interdire à Monsieur Julien Ravier, député, de pouvoir se représenter lors des élections législatives de juin 2022, la déclaration d’inéligibilité étant prononcée pour une durée d’un an et pour toutes les élections.