La question de « l’intérêt public majeur » de projets nécessitant l’obtention d’une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées et de leur habitat, fait l’objet d’un contentieux abondant. Le Conseil d’État, décision après décision, « peaufine » sa jurisprudence par petite touche.

Dans un arrêt du 30 décembre 2021 (CE, 30/12/2021, n°439766), le Conseil d’État a été amené à se prononcer dans le cadre d’un arrêté préfectoral de dérogation pour permettre la prolongation de la durée d’exploitation d’une carrière et d’extension du périmètre d’exploitation.

Le Tribunal Administratif de Caen avait annulé l’arrêté préfectoral portant dérogation au motif que cette dérogation n’était pas justifiée par une « raison impérative d’intérêt public majeur au sens du c) du 4°du I de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement ».

La Cour Administrative d’Appel de Nantes avait confirmé ce jugement.

Le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi en cassation, a apporté de nouvelles précisions sur cette notion.

Tout d’abord, il rappelle que lorsque le projet présente « un intérêt public majeur », il ne peut cependant être autorisé « eu égard aux atteintes portées aux espèces protégées appréciées en tenant compte des mesures de réduction et de compensation prévues, que si, d’une part, il n’existe pas d‘autres solutions satisfaisantes et, d’autre part, cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ».

En second lieu, le Conseil d’État précise que la Cour, pour justifier de l’absence de « raison impérative d’intérêt public majeur », a pu retenir à juste titre que :

  • Il n’est pas démontré qu’il n’existerait pas d’autres gisements de nature et de qualité comparables permettant de répondre à la demande dans le département ;
  • Il n’est pas démontré que la filière locale d’extraction et transformation de granulats serait mise en péril du seul fait d’être contrainte de s’approvisionner hors département ;
  • Il n’est pas démontré que l’acheminement jusqu’aux centrales de béton du département entraînerait un accroissement significatif des rejets de CO2 et de particules polluantes ;
  • Il n’est pas démontré que la société ne pourrait poursuivre l’exploitation de la carrière jusqu’au terme de l’autorisation initiale qui lui avait été délivrée.

La jurisprudence du Conseil d’État, touche par touche, montre la grande difficulté qu’il y a à faire retenir le principe d’un « intérêt public majeur », et cela ne va pas sans poser de grandes difficultés, notamment en matière de carrières, dont les demandes d’extension ou de prolongation de la durée d’exploitation nécessitent très souvent l’obtention d’un arrêté de dérogation.