Dans une décision du 29 juin 2021, le Conseil d’Etat a élargi à toutes les composantes du prix le principe selon lequel en l’absence de précision au contrat, le prix stipulé est réputé inclure la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

 

CE, 29 juin 2021, n° 442506

 

La Société des mobiliers urbains pour la publicité et l’information (SOMUPI) avait conclu avec la Ville de Paris un contrat portant sur la mise en place d’une flotte de vélos à destination du public et de mobiliers urbains.

La SOMUPI était notamment rémunérée par un intéressement au titre de la qualité du service, pour lequel le contrat ne précisait pas si la somme était toute charge comprise, comprenant donc la TVA, ou bien hors taxe.

 

La SOMUPI réclamait qu’à la somme perçue au titre de l’intéressement pour la qualité du service, lui soit ajouté le versement du montant de la TVA.

 

Tant le Tribunal administratif de Paris que la Cour administrative d’appel de Paris ont rejeté la demande de la SOMUPI, qui s’est alors pourvu en Cassation.

 

Le Conseil d’Etat a rappelé un considérant de principe, établi de longue date (Conseil d’Etat, Section, du 14 décembre 1979, 11798) établissant que le prix stipulé sans mention de la TVA est réputé l’inclure :

« La taxe sur la valeur ajoutée dont est redevable un vendeur ou un prestataire de service est, comme les prélèvements de toute nature assis en addition de cette taxe, un élément qui grève le prix convenu avec le client et non un accessoire du prix. Par suite, dans une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, un prix stipulé sans mention de la taxe doit être réputé inclure la taxe qui sera due par le vendeur ou le prestataire de service, à moins qu’une stipulation expresse fasse apparaître que les parties sont convenues d’ajouter au prix stipulé un supplément de prix égal à la taxe sur la valeur ajoutée applicable à l’opération. »

 

En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Paris avait jugé que :

« (…) l’intéressement auquel la SOMUPI avait droit devait, dans le silence des stipulations de l’article IX du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) et par application du principe énoncé au point précédent, être réputé comme défini toutes taxes comprises. »

 

 

Le Conseil d’Etat a rejoint les juges d’appel et a jugé que l’intéressement au titre de la qualité du service était une composante du prix, pour considérer que :

« ( …) il ressort des pièces du dossier que la rémunération de la SOMUPI était assurée, d’une part, conformément aux articles VI.5.2 et VI.5.3 du CCAP, par des recettes publicitaires tirées de la commercialisation, par la société, des espaces d’affichage auprès d’annonceurs et par des paiements de la Ville de Paris et, d’autre part, conformément à l’article IX du même document, par un intéressement versé par la Ville de Paris, à la condition que la qualité du service dépasse certains niveaux de qualité définis par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP). En estimant que si l’intéressement constitue un élément du prix de la prestation, les stipulations de l’article VI.5.1 du cahier des clauses administratives particulières, qui prévoient que  » les prix sont établis hors TVA « , ne s’appliquent qu’aux éléments du prix définis à l’article VI et ne régissent par suite pas l’intéressement, dont les conditions et les modalités de facturation sont définies par les stipulations spécifiques de l’article IX du CCAP, et non par l’article VI de ce même document, la cour n’a entaché son arrêt ni de dénaturation des stipulations du contrat, ni de contradiction de motifs. »

 

La somme d’ores et déjà perçue par la SOMUPI au titre de l’intéressement incluait donc la TVA et le Conseil d’Etat a en conséquence rejeté le pourvoi de la Société SOMUPI.

 

Par ailleurs, la décision du Conseil d’Etat comporte un intérêt procédural relatif au sens des conclusions du rapporteur public.

 

En effet, il est de jurisprudence constante (voir en ce sens : CE, section, 21 juin 2013 n°352427) que le rapporteur public doit faire connaitre à l’avance, c’est à dire avant l’audience, le sens de ses conclusions. Dans l’hypothèse où il changerait d’avis, il doit, à peine d’irrégularité de la décision, faire connaitre aux parties ce changement.

 

Dans le cadre de l’instance devant le Tribunal administratif, le rapporteur public avait indiqué le sens de ses conclusions comme tendant au « rejet au fond ». Toutefois, lors de l’audience, le rapporteur public a, en surplus du rejet au fond, indiqué qu’il pouvait aussi être procédé au rejet de la requête pour irrecevabilité.

 

Le Conseil d’Etat a écarté l’irrégularité du jugement en considérant que :

« (…) dès lors que ces considérations supplémentaires n’ont ni contredit, ni modifié le sens des conclusions qui avait été communiqué aux parties dans les conditions prévues par l’article R. 711-3 du code de justice administrative, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’était sans incidence sur la régularité du jugement du tribunal administratif la circonstance que le rapporteur public ait, en l’espèce, non seulement conclu au rejet au fond, mais encore indiqué que la demande pourrait être rejetée en raison de son irrecevabilité. »

 

In fine, le Conseil d’Etat a rejeté le pourvoi de la SOMUPI.