Dans deux décisions du 9 juin 2021, Conseil d’Etat a fait application du principe de rétroactivité de la loi la plus douce s’agissant des dispositions relatives à la sanction des irrégularités des comptes de campagne issues de la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, dès lors qu’elles confèrent au juge de l’élection plus de latitude quant au prononcé de l’inéligibilité du candidat dont les comptes de campagne sont entachés d’irrégularité.

 

CE, 9 juin 2021, n° 447336

CE, 9 juin 2021, n° 449279

 

La loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral a instauré plusieurs modifications du code électoral et notamment une modification de l’article L. 118-3 du code électoral qui donne plus de liberté au juge pour déclarer ou non un candidat inéligible en raison d’une irrégularité de ses comptes de campagne.

La loi du 2 décembre 2019 prévoyait à son article 15 que ses dispositions entreraient en vigueur au 30 juin 2020, soit postérieurement aux élections municipales de 2020, en vertu du principe, désormais inscrit à l’article L. 567-1 A du code électoral, selon lequel le droit qui s’applique à une élection est celui de l’année qui la précède.

 

Toutefois, dès lors que l’inéligibilité prévue à l’article L. 118-3 du code électoral est une sanction ayant le caractère d’une punition, le Conseil d’Etat a considéré que :

« Il incombe, dès lors au juge de l’élection, lorsqu’il est saisi de conclusions tendant à ce qu’un candidat dont le compte de campagne est rejeté soit déclaré inéligible et à ce que son élection soit annulée, de faire application, le cas échéant, d’une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date des faits litigieux et celle à laquelle il statue. Le législateur n’ayant pas entendu, par les dispositions citées au point 12, faire obstacle à ce principe, le juge doit faire application aux opérations électorales mentionnées à ce même point des dispositions de cet article dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019. »

 

Pour reconnaitre le caractère de loi plus douce aux nouvelles dispositions de l’article L. 118-3 du code électoral, le Conseil d’Etat a ensuite considéré que :

« (…) cette loi nouvelle laisse désormais au juge, de façon générale, une simple faculté de déclarer inéligible un candidat en la limitant aux cas où il relève une volonté de fraude ou un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales, alors que l’article L. 118-3 dans sa version antérieure, d’une part, prévoyait le prononcé de plein droit d’une inéligibilité lorsque le compte de campagne avait été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d’une particulière gravité et, d’autre part, n’imposait pas cette dernière condition pour que puisse être prononcée une inéligibilité lorsque le candidat n’avait pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrit par l’article L. 52-12 de ce même code. »

 

Dans les deux affaires, le Conseil d’Etat a donc fait application de ces nouvelles dispositions, lui offrant l’occasion de moduler sa sanction en fonction de la gravité des irrégularités constatées dès lors que :

« (…) en application des dispositions précitées de l’article L. 118-3 du code électoral, dans sa rédaction issue de la loi du 2 décembre 2019, en dehors des cas de fraude, le juge de l’élection ne peut prononcer l’inéligibilité d’un candidat sur le fondement de ces dispositions que s’il constate un manquement d’une particulière gravité aux règles de financement des campagnes électorales. Il lui incombe à cet effet de prendre en compte l’ensemble des circonstances de l’espèce et d’apprécier s’il s’agit d’un manquement caractérisé à une règle substantielle relative au financement des campagnes électorales et s’il présente un caractère délibéré. »

 

Dans la première affaire, le Conseil d’Etat n’a pas prononcé l’inéligibilité du candidat, qui avait finalement transmis ses comptes de campagne au Tribunal administratif, compte tenu du faible montant des dépenses du compte et du caractère non délibéré du manquement en cause.

Toutefois, dans la seconde affaire, le Conseil d’Etat a sanctionné le candidat d’une inéligibilité d’une durée de 12 mois, dès lors qu’il n’avait pas déposé ses comptes de campagne, qu’il n’apportait pas la preuve de l’erreur invoquée de son mandataire financier et qu’il présentait au Tribunal un compte dont la date était postérieure à la date limite de dépôt des comptes.