Par une décision en date du 6 mai 2021, la Cour de justice de l’Union européenne a définitivement validé l’interdiction de trois insecticides néonicotinoïdes: le clothianidine, le thiamethoxane et l’imidaclopride.

CJUE, 6 mai 2021, C‑499/18 P

Pour rappel, par un avis de mai 2012 et une étude de janvier 2013, l’EFSA (European Food Safety Authority) mettait en avant qu’une exposition à ces trois insecticides représentait un risque avancé pour les abeilles.

Suite à ces positions de l’EFSA, la Commission européenne, par un règlement d’exécution (UE) n°485/2013 en date du 24 mai 2013, a modifié le règlement d’exécution (UE) n°540/2011 concernant les conditions d’approbation des substances actives clothianidine, thiaméthoxame et imidaclopride et interdisant la vente de semences traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant ces substances actives.

Les sociétés Bayer AG et Syngenta Crop Protection AG ainsi que des associations d’agriculteurs ont formé un recours devant le Tribunal de l’Union européenne afin de contester ce règlement.

Par une décision en date du 17 mai 2018, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté cette requête.

C’est contre ce jugement du TUE que la société Bayer AG s’est pourvue devant la Cour de justice de l’Union européenne.

L’arrêt de la CJUE en date du 6 mai 2021, outre qu’il rejette le pourvoi de la société Bayer et confirme l’interdiction des trois insecticides, apporte également des précisions importantes sur l’application du règlement n°1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, dans la continuité de l’arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C-616/17.

Il sera notamment retenu les conditions de contrôle des décisions d’approbation par la Commission et les contours du principe de précaution.

  • Concernant le contrôle des décisions d’approbation par la Commission

La société requérante estimait que le Tribunal s’était rendu coupable d’une erreur de droit en concluant qu’un accroissement du niveau de certitude des connaissances scientifiques antérieures pouvait être qualifié de « connaissance nouvelle » et ainsi autoriser la Commission à réexaminer la décision d’approbation de ces trois substances.

La Cour a écarté ce moyen au visa des dispositions de l’article 21, paragraphe 1 du règlement n°1107/2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques :

« La Commission peut réexaminer l’approbation d’une substance active à tout moment. (…)

Si elle estime, compte tenu des nouvelles connaissances scientifiques et techniques, qu’il y a des raisons de penser que la substance ne satisfait plus aux critères d’approbation prévus à l’article 4 ou que des informations supplémentaires requises en application de l’article 6, point f), n’ont pas été communiquées, elle en informe les États membres, l’Autorité et le producteur de la substance active et accorde à ce dernier un délai pour lui permettre de présenter ses observations.»

La cour estime ainsi :

« 50. En effet, l’article 21, paragraphe 1, premier alinéa, première phrase, du règlement no 1107/2009 autorise la Commission à réexaminer l’approbation d’une substance active à tout moment, sans autre condition. Ce n’est que dans les situations définies expressément à la seconde phrase de cet article 21, paragraphe 1, premier alinéa, que l’ouverture d’une procédure de réexamen présuppose l’existence de nouvelles connaissances scientifiques et techniques.

51. À cet égard, la Cour a déjà jugé que l’existence de nouvelles connaissances scientifiques et techniques n’est que l’une des hypothèses dans lesquelles la Commission peut réexaminer l’approbation d’une substance active».

  • Concernant l’application du principe de précaution

La Société Bayer reprochait à la Commission d’avoir adopté le règlement litigieux sans s’être livrée, au préalable, à une évaluation exhaustive des risques que présenterait l’utilisation des trois substances prohibées.

Toutefois, la Cour a opposé une lecture toute autre, en rappelant, d’une part, au point 89 du jugement que le règlement n°1107/2009 est fondé sur le principe de précaution qui permet aux états membres de prendre des mesures même « lorsqu’il existe une incertitude scientifique quant aux risques concernant la santé humaine ou animale ou l’environnement que représentent les produits phytopharmaceutiques devant être autorisés sur leur territoire ». La Cour précise que le principe de précaution est appliqué de la même manière par la Commission.

D’autre part, la Cour a estimé que :

« Le principe de précaution implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques, notamment pour l’environnement, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. Lorsqu’il s’avère impossible de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque allégué, en raison de la nature non concluante des résultats des études menées, mais que la probabilité d’un dommage réel pour l’environnement persiste dans hypothèse où le risque se réaliserait, le principe de précaution justifie l’adoption de mesures restrictives ».

Ainsi, il apparaît que, par nature, le principe de précaution exclue l’obligation d’effectuer une évaluation exhaustive des risques avant de pouvoir adopter des mesures restrictives.

Par cette décision la CJUE valide définitivement l’interdiction des trois néonicotinoïdes et clarifie le pouvoir de contrôle des décisions d’approbation de la Commission ainsi que les contours d’application du principe de précaution.