Le jugement rendu relatif aux élections municipales de la Commune de SEDAN, remportées par le Maire sortant, et dont les résultats avaient été contestés par le candidat arrivé en troisième position donne l’occasion de revenir sur certaines notions de contentieux électoral. Retour en détail sur ce contentieux et les problématiques juridiques tranchées par le juge de l’élection. 

 

TA Châlons-en-Champagne, 7 janvier 2021, n°2001180

 

Rappelons, tout d’abord, car cela constitue un élément essentiel en la matière, les résultats des opérations électorales.

A l’issue des scrutins des 15 mars et 28 juin derniers, la liste conduite par le Maire sortant est arrivée en tête avec 53,99% des voix suivie par la liste menée par Mme O… BF…, 36,72% des voix. La liste conduite par M. AY… est arrivée en troisième position, recueillant 9,27% des voix. Ces résultats ont permis d’attribuer 26 sièges à la liste arrivée en tête, 6 à la deuxième et 1 à la troisième. M. AY…, tête de liste arrivée en troisième position, a demandé l’annulation de ces opérations électorales.

Si les divers moyens soulevés par le requérant ont tous été écartés par le juge de l’élection quant à leur effet, le juge ayant validé les résultats des opérations électorales, certains ont toutefois mis en lumière des actes regrettables, voire des manœuvres.

Réunion de Conseil municipal et campagne de promotion publicitaire

Sur ce point, le requérant soutenait que lors du Conseil municipal restreint du 4 mai 2020, qui était retransmis sur le compte Facebook de la Ville, le Maire sortant avait mis en avant son bilan, avant d’annoncer l’augmentation des bons d’achats alimentaires et une aide au CCAS.

Rappelons ici, que les dispositions de l’article L.52-1 du Code électoral prohibent les campagnes de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité, dans la période des six mois précédant le scrutin, sans pour autant interdire à un candidat de présenter son bilan, sous réserve que celui-ci ne soit pas réalisé avec les moyens de la Commune.

Saisi d’un tel moyen, le juge de l’élection a très rapidement écarté cette argumentation en retenant qu’une réunion du Conseil municipal, même retransmise sur internet, ne saurait être considérée comme une campagne de promotion publicitaire.

Attribution de subventions et manœuvre destinée à altérer la sincérité du scrutin

Le requérant critiquait les décisions prises par le Conseil municipal, lors de sa séance du 4 mai 2020, lesquelles consistaient en l’augmentation de certaines subventions.

Sur ce point, le juge de l’élection a rejeté le moyen du requérant sans, semble-t-il, faire preuve de la moindre hésitation. Le juge a, en effet, retenu que le choix fait par le Conseil municipal sortant d’augmenter certaines subventions (subventions versées à l’union commerciale industrielle et artisanale, augmentation de la dotation du centre communal d’action sociale) qui s’inscrivent dans la politique menée par la Commune et qui sont justifiées par les conséquences de la crise sanitaire, ne constitue pas une manœuvre destinée à altérer à la sincérité du scrutin.

Offrir des places pour assister à un match de football est une manœuvre

Le requérant faisait valoir que la Commune avait procédé à la distribution de 1 300 places gratuites pour assister au match de foot Sedan-Bastia. Or, selon ce dernier, cette dépense aurait dû rentrer dans les comptes de campagne du candidat-maire sortant.

Sur ce point, le juge retient que la décision d’offrir des places gratuites pour assister au match de football opposant le club de Sedan à celui de Bastia est susceptible d’avoir constitué une manœuvre dans la mesure où cette dernière est intervenue à un moment inusuel, coïncidant avec la période électorale alors qu’il était de coutume que cette dernière action ne soit organisée qu’à l’occasion du dernier match de la saison. Le fait qu’il s’agissait d’un match « à enjeu » n’a pas pu légitimer la décision ainsi prise par la Commune. De même, le caractère lui aussi inusuel du nombre de places gratuites distribuées est également venu renforcer la qualification de manœuvre au sens du Code électoral.

Néanmoins, compte tenu de l’écart des voix séparant la liste arrivée en tête de la liste conduite par M. AY…, mais également, en outre, de la liste arrivée en deuxième position et aussi regrettable qu’elle soit, cette manœuvre n’a pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

Reprise du hashtag du Maire candidat par le site officiel de la Commune

Le requérant soutenait que le site officiel de la ville de Sedan reprend le hashtag du candidat du maire, ce qui aurait constitué, selon lui, une violation des dispositions du Code électoral.

Saisi de ce moyen, le juge relève qu’il résulte effectivement de l’instruction que le compte twitter de la Commune a renvoyé à l’occasion du match de football Sedan Bastia, au compte de M. BL… en indiquant : « @villedesedan pour la rencontre Sedan-Bastia les sedenais sont au rendez-vous : tous derrière le @_CSSA @BL……. ».

Toutefois si ce renvoi s’avère regrettable en période électorale, il ne peut être regardé comme un message au sens de l’article L.48-1 du Code électoral dans la mesure où il n’est accompagné d’aucun message électoral.

Distribution d’un tract de dernière minute et méconnaissance du Code électoral

Le requérant soutenait que la liste conduite par le Maire sortant, arrivée en tête, aurait fait distribuer un tract de dernière minute le 26 juin à 16h30 (soit le vendredi précédant le jour de scrutin) auquel il n’aurait pas pu répondre.

Le juge relève, tout d’abord, que la distribution d’un tract de dernière minute dans les conditions évoquées par le requérant n’est pas contestée. Cette absence de contestation de la liste arrivée en tête n’est pas surprenante dans la mesure où les conditions de sa distribution ne méconnaissaient pas le délai évoqué par le Code électoral. En effet, rappelons, ici, que l’article L.49 du Code électoral interdit la distribution de bulletins, circulaires et autres documents à partir de la veille du scrutin à zéro heure seulement. Or, en l’espèce, ce délai n’était aucunement méconnu et le moyen du requérant manquait donc en fait.

Toutefois, le juge a poursuivi son analyse pour déceler une éventuelle méconnaissance des dispositions du Code électoral et a analysé le contenu du tract en litige. Or, après examen, le juge retient que ce tract ne comportait aucun élément à caractère diffamatoire ou injurieux, et que s’il critiquait l’attitude du requérant au regard de ses déclarations de campagne, cette critique n’excédait pas les limites de ce qui peut être toléré dans le cadre de la polémique électorale.