Les offres identiques présentées par des opérateurs économiques ne disposant pas l’un vis-à-vis de l’autre d’une « autonomie commerciale » sont irrégulières.

Conseil d’Etat, 8 décembre 2020, n°436532

Par un avis d’appel public à la concurrence publié le 26 novembre 2018, la métropole Aix-Marseille-Provence a lancé une procédure d’appel d’offres ouvert en vue de l’attribution d’un accord cadre multi-attributaires ayant pour objet des travaux d’aménagement, de réparation, d’entretien, de rénovation des bâtiments et ouvrages divers lui appartenant.

La société Eiffage Energie Systèmes a remis une offre pour le lot n° 11  » plomberie, chauffage, ventilation et climatisation-zone ouest « , pour lequel elle a été classée en première position et a obtenu un marché, et pour le lot n° 12  » plomberie, chauffage, ventilation et climatisation-zone sud « .

Par courrier du 11 octobre 2019, elle a été informée du rejet de l’offre qu’elle avait présentée pour ce second lot, classée en quatrième position, et de l’attribution du marché en cause aux trois attributaires suivants, dans l’ordre de classement : la société Bensimon Joachim Meyer (Maintenance Climatique), la société CMT Services et la société Compagnie méridionale d’applications thermiques.

La métropole Aix-Marseille-Provence et les sociétés CMT Services et Compagnie méridionale d’applications thermiques se pourvoient en cassation contre l’ordonnance du 19 novembre 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, d’une part, annulé la procédure de passation du lot n° 12 et, d’autre part, enjoint à la métropole Aix-Marseille-Provence, si elle entendait conclure le marché afférent à ce lot, de reprendre la procédure au stade de l’examen des offres en écartant les offres de la société CMT Services et de la société Compagnie méridionale d’applications thermiques.

Cette affaire donne l’occasion au Conseil d’Etat de préciser qu’il résulte des dispositions de l’article 13 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, que si deux personnes morales différentes constituent en principe des opérateurs économiques distincts, elles doivent néanmoins être regardées comme un seul et même soumissionnaire lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d’autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l’absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot.

Pour déceler cette absence d’autonomie commerciale, le juge administratif s’appuie sur les deux éléments suivants:

  1. d’une part, sur le fait que les offres litigieuses émanaient de deux sociétés filiales d’un même groupe
  2. et, d’autre part, sur le fait qu’elles étaient identiques

Dans ces conditions, ces offres ne pouvaient être considérées comme des offres distinctes présentées par des opérateurs économiques manifestant leur autonomie commerciale. Le juge en déduit ainsi que la métropole devait être regardée comme ayant retenu, pour le même lot, deux offres présentées par un même soumissionnaire et qu’elle avait ainsi manqué à ses obligations de mise en concurrence.