Saisi par la voie du référé suspension par Elisabeth LAROCHE (Conseillère départementale et Conseillère municipale de Meximieux) et Alexandre NANCHI (Conseiller régional et Conseiller municipal de Lagnieu) et suivis par plusieurs partis d’opposition (Les Républicains, le Parti Socialiste et Debout la France), le Conseil d’Etat a suspendu trois séries de disposition de la circulaire, dite « Castaner », du 10 décembre 2019, à savoir :

  1. L’attribution des nuances dans les seules communes de 9 000 habitants ou plus,
  2. Les conditions d’attribution de la nuance « Liste divers Centre »,
  3. Le classement de la nuance « Liste Debout la France » dans le bloc « extrême droite ».

Conseil d’État, Ordonnance, Attribution des nuances politiques aux candidats aux élections municipales, 31 janvier 2020, N°s 437675, 437795, 437805, 437824, 437910, 437933.

Dans cette ordonnance, le Conseil d’Etat rappelle que la détermination des nuances politique permet de placer un « candidat ou élu ainsi que toute liste sur une grille politique représentant les courants politiques et se distingue ainsi des étiquettes et des groupements politiques« , et indique qu’elle est la finalité de ce dispositif qui « permet aux pouvoirs publics et aux citoyens de disposer de résultats électoraux faisant apparaître les tendances politiques locales et nationales et de suivre ces tendances dans le temps. » (Cf. considérant n°3)

En premier lieu, et s’agissant de l’attribution des nuances politiques dans les seules communes de 9 000 habitants ou plus, le Conseil d’Etat rappelle qu’un « seuil plancher supérieur à celui des communes de moins de 1 000 habitants prévu par ces dispositions, limitant au regard du nombre de leurs habitants les communes dans lesquelles des nuances politiques sont attribuées, ne saurait être légalement retenu s’il est manifestement de nature à compromettre les objectifs rappelés au point 3 en ayant pour effet de dénaturer les finalités de ce traitement.  » (Cf. Considérant n°8)

Le Conseil d’Etat, suivant l’argumentation des requérants constate alors que :

« 9. Il est constant que le seuil correspondant aux communes de 9 000 habitants et aux chefs-lieux d’arrondissement quelle que soit leur population, retenu par la circulaire, conduit, dans plus de 95 % des communes, à ne pas attribuer de nuance politique, et exclut, ainsi, de la présentation nationale des résultats des premier et second tours des élections municipales à venir, les suffrages exprimés par près de la moitié des électeurs. En outre, si pour plus de 80 % des listes présentes dans ces communes, les nuances attribuées lors des élections municipales de 2014 ne correspondaient pas à celles d’un parti politique, il n’est pas contesté que, pour les trois quarts d’entre elles, il avait été possible d’attribuer des nuances intitulées « divers droite » et « divers gauche », reflétant ainsi des choix politiques des électeurs. Le seuil retenu par la circulaire de 9 000 habitants a, en conséquence, pour effet potentiel de ne pas prendre en considération l’expression politique manifestée par plus de 40% du corps électoral.

10. Par suite, eu égard à l’objet même de la circulaire qui est, ainsi qu’il a été indiqué ci-dessus au points 3 et 4, d’analyser le plus précisément possible les résultats électoraux sans « altérer, même en partie, le sens politique du scrutin en sous-estimant les principaux courants politiques », afin de donner aux pouvoirs publics et aux citoyens l’information la plus complète et exacte possible, y compris sur les évolutions des résultats dans le temps, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation dont elle est entachée, en tant qu’elle retient le seuil mentionné au point précédent, est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à sa légalité. »

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat relève la circulaire prévoit qu’en principe seule l’investiture par un parti politique, et non son simple soutien, permet d’attribuer une nuance politique à une liste. Elle fait toutefois exception à cette règle pour les seules listes qui seront soutenues par les partis LREM, le MODEM, l’UDI ou par « la majorité présidentielle », dont les résultats seront comptabilisés dans la nuance « divers centre », alors que le soutien d’un parti de gauche ou d’un parti de droite à une liste ne permet pas de prendre en compte ses résultats au titre respectivement des nuances « divers gauche » et « divers droite ».
Le juges des référés du Conseil d’État a estimé que la circulaire instituait ainsi une différence de traitement entre les partis politiques, et méconnaissait dès lors le principe d’égalité.

En troisième et dernier lieu, le juges des référés a relevé que le classement du Parti « Debout la France » dans le bloc de clivage « extrême droite » ne s’expliquait que par le soutien apporté par le président de « Debout la France », à l’issue du premier tour des élections présidentielles de 2017, en faveur de la présidente du Rassemblement national, et n’avait pas pris en compte, notamment, le programme de ce parti et l’absence d’accord électoral conclu avec le Rassemblement national.
Dans ces conditions, le juges des référés du Conseil d’État a estimé que le classement de la nuance « Liste Debout la France » (LDLF) dans le bloc de clivage « extrême droite » ne s’appuyait pas sur des indices objectifs.