Le Conseil constitutionnel a été saisi afin de vérifier la conformité à la constitution de l’article 3 de la loi du 7 juillet 1977 dans sa rédaction résultant de la loi du 25 juin 2018 mentionnée ci-dessus, qui prévoit que :

« L’élection a lieu au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, sans panachage ni vote préférentiel. Les sièges sont répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité de suffrages, le siège est attribué à la liste dont la moyenne d’âge est la moins élevée.
Les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur chaque liste ».

La question prioritaire de constitutionnalité porte précisément sur les mots « ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés » figurant à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 3 de la loi du 7 juillet 1977.

Les requérants contestent le seuil de 5 % des suffrages exprimés conditionnant l’accès à la répartition des sièges lors de l’élection, en France, des représentants au Parlement européen.

Ils invoquent les arguments suivants :

– En raison de la nature particulière des élections européennes, ce seuil n’aurait aucune justification. L’objectif de dégager une majorité stable et cohérente ne serait pas pertinent, dès lors que le nombre de députés européens élus en France ne permettrait pas, à lui seul, la formation d’une majorité au sein du Parlement européen. Ces mêmes députés étant des représentants des citoyens de l’Union européenne résidant en France, et non des représentants de la nation française, l’objectif de lutte contre l’éparpillement de la représentation nationale serait dépourvu de pertinence.

– Ce seuil aurait des conséquences disproportionnées, en ce qu’il empêcherait l’accès au Parlement européen de mouvements politiques importants et priverait un grand nombre d’électeurs de toute représentation au niveau européen. Il en résulterait une méconnaissance des principes d’égalité devant le suffrage et de pluralisme des courants d’idées et d’opinions.

Tout d’abord, le Conseil constitutionnel rappelle que si certains requérants demandent au Conseil constitutionnel de transmettre à la Cour de justice de l’Union européenne des questions préjudicielles portant sur la validité de la décision du Conseil de l’Union européenne des 25 juin et 23 septembre 2002 ou sur celle de la décision du Conseil de l’Union européenne du 13 juillet 2018, la validité de ces décisions est sans effet sur l’appréciation de la conformité des dispositions contestées aux droits et libertés que la Constitution garantit. Les conclusions des requérants doivent, sur ce point, être rejetées.

Le Conseil constitutionnel rappelle, ensuite, l’objet de l’article 3 du 7 juillet 1977 contesté par les requérants. A cet effet, il précise que l’article 3 de la loi du 7 juillet 1977 définit les conditions dans lesquelles sont élus au Parlement européen les représentants des citoyens de l’Union européenne résidant en France. Il prévoit que cette élection a lieu, dans le cadre d’une circonscription nationale unique, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle, suivant la règle de la plus forte moyenne. Aux termes des dispositions contestées, seules les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés sont admises à la répartition des sièges.

Le Conseil constitutif précise qu’en instituant un seuil pour accéder à la répartition des sièges au Parlement européen, le législateur a, dans le cadre de la participation de la République française à l’Union européenne prévue à l’article 88-1 de la Constitution, poursuivi un double objectif :

– D’une part, il a entendu favoriser la représentation au Parlement européen des principaux courants d’idées et d’opinions exprimés en France et ainsi renforcer leur influence en son sein.

– D’autre part, il a entendu contribuer à l’émergence et à la consolidation de groupes politiques européens de dimension significative.

Ce faisant, il a cherché à éviter une fragmentation de la représentation qui nuirait au bon fonctionnement du Parlement européen.

Ainsi, même si la réalisation d’un tel objectif ne peut dépendre de l’action d’un seul État membre, le législateur était fondé à arrêter des modalités d’élection tendant à favoriser la constitution de majorités permettant au Parlement européen d’exercer ses pouvoirs législatifs, budgétaires et de contrôle.

En fixant à 5 % des suffrages exprimés le seuil d’accès à la répartition des sièges au Parlement européen, le législateur a retenu des modalités qui n’affectent pas l’égalité devant le suffrage dans une mesure disproportionnée et qui ne portent pas une atteinte excessive au pluralisme des courants d’idées et d’opinions. Dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance des principes de pluralisme des courants d’idées et d’opinions et d’égalité devant le suffrage doivent être écartés. Les dispositions contestées, qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent donc être déclarées conformes à la Constitution.

En conséquence, le Conseil constitutionnel a décidé que les mots « ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés » figurant à la première phrase du deuxième alinéa de l’article 3 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2018-509 du 25 juin 2018 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, sont conformes à la Constitution.